"Les naissances,
comme les morts, ont ceci de spécial qu’elles nous mettent en face de notre
finitude : remontent alors à la surface, comme de bulles qui crèvent
aussitôt apparues, mais qu’on ne peut pourtant ignorer, des interrogations et
des incertitudes, des grands pans de tissus noirs derrière lesquels sont cachés
des mondes inconnus, des hypothèses et des points de suspension, des mystères
originels et des gouffres infinis… Reviennent des lectures et des théories, des
phrases et des assertions angoissantes (« Le silence éternel de ces
espaces infinis m’effraient »), des frayeurs enfantines qui laissent
désemparé et nu, une solitude puissante et tenace qui efface soudain tous les
liens et nous jette dans les tourbillons extravagants d’un univers dévasté où
ne brille aucune lumière, ne subsiste aucun amour et qui ne va dans aucune
direction.
Et puis, sans crier
gare, un élan emporte à nouveau l’individu que nous sommes, fleur de pissenlits
soufflée aux quatre vents, par quel miracle ? Une hirondelle qui fend le
ciel pur en un trait parfait de calligraphe. L’odeur d’un jasmin porté par la
brise du soir. La tête touffue d’un chien fidèle qui se cale sous la main. Un
reflet de soleil dans une flaque d’eau."