lundi 21 mars 2016

Journal d'une grossesse littéraire : chapitre 13, au fond de la grotte.

Oui, je n'ai pas trouvé d'autre formule. C'est bien là que je suis, à ce stade du roman : au fond de la grotte. Plus de possibilité de revenir en arrière. Rien que ma propre lumière, celle de la lampe frontale qui éclaire les quelques centimètres devant moi. La seule solution, avancer. S'aider des parois toutes proches en s'y cramponnant des deux mains, se racler les genoux sur le sol, accepter l'humidité et l'obscurité environnantes...

Vous devez vous dire : put..., c'est ça, écrire ??? Bah oui, parfois, c'est ça. Un boyau étroit où progresser à son rythme. Là, j'ai bien avancé, j'ai même peut-être dépassé le milieu, l'histoire est en place, les personnages vivent presque sans moi... mais les questions reviennent, oiseaux carnivores qui volettent autour de ma tête, chauve-souris plutôt si je veux filer la métaphore : mais il a quoi de spécial ce roman ? qui va-t-il intéresser ? et mon écriture, est-elle si bonne et si originale que je le crois, que je le croyais ? est-ce que je ne me disperse pas trop ? est-ce que le récit n'est pas finalement très banal ?

Tout ça se bouscule et me hante, mais je n'ai évidemment aucune envie d'arrêter. D'abord parce que je sais où je vais : le chemin est difficile, mais la fin est dans ma tête depuis le début, et tous les mots assemblés y convergent inéluctablement, peu ou prou. Ensuite parce que, même si certains paragraphes sont produits très laborieusement, d'autres filent comme des torrents de montagne, et c'est cela que je veux retenir, cela qui me donne le vertige et qui me fait si agréablement tourner la tête.

Donc, au fond de la grotte, je reste : je fais une pause, je regarde autour, je me dis que chaque fois il y a un moment identique, avec cette sensation de vanité, d'inutilité, de vide, et le silence résonne, le noir domine, le froid pénètre. Et puis je vais repartir, ramper, cracher les mots et les phrases, les sortir de leurs coquilles, et le roman finira par exister. Les grottes ont toujours une sortie vers la lumière, il suffit de la trouver !

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